Communiquer sur les réseaux sociaux lorsque l’on est une marque de boisson alcoolisée, c’est compliqué. Sans pour autant contourner la loi Evin, on peut pour autant s’en accommoder sans être hors la loi.
On va déjà s’attacher à décrire la loi en quelques mots. La loi Evin, datant de 1991, réglemente la publicité pour l’alcool et le tabac. La consommation d’alcool et de tabac était devenue le cheval de bataille en terme de politique de santé publique. Concernant l’alcool, la loi stipule que seul l’affichage, la radio (sur certaines tranches horaires) et la presse (hors titres jeunesse) peuvent être utilisés. Le message doit systématiquement rappeler que « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Cette loi a été mise à jour en 2009 pour répondre au vide juridique engendré par internet. Logiquement l’essence de la loi reste la même; mais il est aujourd’hui difficile de statuer pour tout ce qui touche aux plateformes média sociales. En d’autres termes, il n’y a pas d’interdiction précise d’une quelconque plateforme sociale.
La loi Evin est d’ailleurs la plus restrictive au monde en terme de législation encadrant les boissons alcoolisées. Ce qui est paradoxale lorsque l’on connait la qualité de notre vin ou champagne. On peut même douter de l’efficacité de celle-ci. En effet, depuis une cinquantaine d’années les français ont commencé à moins consommer de l’alcool, soit bien avant l’instauration de cette loi. Cette décrue s’est accélérée grâce aux campagnes de prévention, et la lutte contre l’alcool au volant ayant aussi joué un rôle prépondérant.
Revenons à ce qui nous intéresse, en l’occurrence la communication des marques de boisson alcoolisée sur les réseaux sociaux.
L’ANPAA censeur en chef
L’ANPAA (l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie) veille au grain sur les différentes stratégies digitales touchant à l’alcool.
Pour ainsi dire, ils ne veulent pas de viticoles, de brasseurs ou de fabricants de spiritueux sur les réseaux sociaux sous prétexte que ceux-ci sont fréquentés majoritairement par des jeunes mineurs (ce qui est faux puisqu’ils ne sont que 5,7%). L’aspect intrusif des publications est aussi mentionné. En effet, sur un fil d’actualité Facebook par exemple, on peut avoir un ami qui like des visuels Jack Daniels sans qu’on ait notre mot à dire. On peut dire que l’ANPAA jouit d’une méconnaissance totale d’internet et des nouvelles technologies. Son président Alain Rigaud déclare qu’il faudrait contrôler Facebook et les réseaux sociaux en général comme dans certains pays comme Chine. Bien qu’il nuance plus tard ses propos, on a compris le fond de sa pensée. Vive les dictatures qui interdisent Internet. Par la suite il décrit le monde numérique comme un repère de sites racistes, pédophiles, extrémistes, nazis… Oui c’est bien connu, Le Diable a investi le web. Je vous invite à lire son interview publiée sur le blog Rue89 afin de vous faire votre propre idée sur cette institution anachronique.
Loin de nous de faire l’apologie de l’alcool, la consommation excessive d’alcool est dangereuse pour la santé. L’alcoolisme est aussi un vrai fléau et bien entendu il faut intensifier la prévention contre l’alcool au volant. Néanmoins, il faut penser aussi à la survie des petits producteurs qui n’ont pas les moyens marketing d’une grosse entreprise. Pour eux, l’avènement d’internet devrait leur permettre de faire connaître leur produit à moindre coût. C’est pour cela qu’il faut être intelligent dans son message pour ne pas faire d’appel à la consommation.
Les condamnations
Plusieurs entreprises ont été condamnées ces dernières années. Le cas le plus connu est celui du groupe Pernod Ricard. La célèbre marque de spiritueux a été sanctionnée pour sa campagne « Un Ricard, des rencontres » lancée en juin 2011.
Le but de cette campagne était de partager grâce à une application des recettes de cocktails à base de pastis sur son mur. Or pour la justice, ce partage s’apparentait à de la publicité intempestive. En effet, partager sur son mur à son réseau d’ami est assimilé à de la publicité. Les juges ont souligné son caractère inopiné et systématique. Avec du recul, on peut aussi critiquer le slogan qui incite à la consommation. En effet, on peut comprendre que boire du pastis aide à se sociabiliser.
Heineken a aussi eu maille avec l’ANPAA pour sa campagne célébrant ses 140 ans d’existence.
Il fallait que l’internaute crée un design unique pour la bouteille anniversaire. On a reproché à Heineken d’inciter à « liker » la marque sur Facebook en faisant miroiter un concours et des lots à gagner. On peut comprendre l’ANPAA, l’incitation à participer est claire. En likant, l’internaute s’expose à recevoir le contenu promotionnel de la marque. Heineken a par la suite retiré tout ce contenu et a été condamné à verser des dommages et intérêts à l’association.
Ce qu’il ne faut pas faire en général sous peine d’être complètement hors la loi:
- Ne pas inciter l’internaute à liker sa page ou à suivre un de ses comptes
- Eviter de faire des jeux concours. C’est clairement du racolage.
- Ne pas vanter les vertus de l’alcool par n’importe quel support (vidéo, photo, statut)
- Ne pas partager des photos mettant en scène des gens buvant de l’alcool (et encore moins ayant l’air de s’amuser)
L’exemple des vins d’appellation « Côtes du Rhône » est assez parlant.
Ce qui lui est reproché est assez évident finalement. On peut comprendre ce visuel ainsi: en buvant du vin on prend gout à la vie, en buvant du vin on peut agréablement planer, s’élever. Ce visuel donne une bonne image de la consommation d’alcool, ce qui est interdit.
Ce qu’il faut faire
Un viticulteur ou un brasseur par exemple doit appuyer son message sur l’histoire de son produit. Le storytelling est d’une importance capitale. Il faut que la marque joue à fond ce jeu comme l’a si bien fait la bière Amsterdam. La légende du navire « le Hollandais volant » leur permet de raconter une histoire et donc de capter l’attention des internautes.
Les marques jouent aussi beaucoup sur le visuel de leur bouteille. En effet la bouteille fermée n’incite pas clairement à la consommation (parait-il). Personne ne vient la boire ou l’ouvrir. Il faut faire preuve de créativité pour créer des visuels attractifs sans pour autant montrer des consommateurs, ni même vanter les bienfaits de l’alcool. Il faut insister sur le design du conditionnement.
Révéler les secrets de fabrication est aussi un bon moyen de capter une audience. On entre ici dans une transmission de savoir-faire. C’est l’artisan qui présente son produit, son vin ou sa bière. Montrer les étapes de fabrication ou lieu sans pour autant susciter l’envie de boire.
Ce ne sont pas des conseils pour passer outre la loi Evin. Ce sont juste des moyens de communiquer sur son produit sans pour autant être responsable d’une consommation excessive. Il ne faut surtout pas oublier:
- Mettre un filtre: Interdit au mineur
- Ne pas oublier: l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A Consommer avec modération.
- Bien faire attention au slogan
En conclusion, et quoi qu’il arrive, il faut se conformer à la loi Evin. Certaines marques ne la respectent pas totalement. Mais ce n’est pas une raison pour les suivre dans cette voie. Le vide juridique entourant les réseaux sociaux est bien réel, mais inutile d’en profiter. Car n’oublions pas que l’alcool consommé avec excès tue. Communiquez sans faire dans le racolage ou l’incitation à la consommation et vous serez totalement dans votre droit.